Autre difficulté de l’exercice d’énonciation de l’art, non plus technique cette fois mais historique : la conception de la galerie moderne vozarts de l’art  — un art s’écrivant dorénavant aussi par et pour lui-même. Le romantisme, porté a mythe, idéaliste et séparateur, l’importance prise à peine plus tard par l’ai réaliste, pratique d’enregistrement du monde saisi tel quel — en tendance du moins — représentent au tournant du XIXe siècle deux tensions porteuse d’une mutation de taille, sans précédent dans l’histoire de l’art : celle de l’art comme écriture en soi et comme énoncé pour soi.

 

Pareille portée de l’impressionnisme, s’appropriant le droit de représenter le temps, le diffus, l’évanescence, poussant à la limite du visible vers des territoires qui ne sauraient appartenir qu’à l’art et non plus au discours. Même tension, encore, ave l’expressionnisme, fort de sa propension à consigner, entre Goya et Va Gogh, entre Munch et Kandinsky, une écriture du corps par l’art set Romantisme, réalisme, expressionnisme : autant d’esthétiques signalai dorénavant la vocation accrue de l’art à se qualifier depuis l’intérieur, sans plus tenir compte de ces maîtres du code parlant sur lui depuis l’extérieur qu’auront été à l’âge primitif, antique et médiéval, le prêtre

 

(ou qui en ce lieu) ; à l’âge classique, le prince détenteur des goûts, ou le philosophe maître des élégances stylistiques ; à l’âge moderne, enfin, la critique d’art.

 

 

Le discours sur l’art, de manière parallèle, ne faiblit pas. Parce qu’il y faudrait un plein volume, on s’évitera la description des modalités d’écrit sur l’art telle que la période comprise entre le XVIIIe siècle -— celle des Diderot, Winckelmann, Hume, Kant… — et la seconde moitié du XXe siècle en fournit l’inventaire. Qu’il suffise de constater combien l’art, entre ces Jeux moments, quoi qu’il s’intronise écriture en soi, continue d’être un objet d’écriture : matière à interrogation et à spéculation, point de passage obligé de toute pensée soucieuse d’investigation.

L’ art depuis son dehors, en l’instrumentalisant à des fins privées — et de l’écriture de l’art. L’accord entre discours “de” l’art et discours “sur” l’art n’étant plus de mise, tout se passe comme si la surenchère s’imposait de part et d’autre, avec un double résultat. D’un côté, toujours plus d’écriture sur l’art, celle-ci se spécialisant, se ramifiant sous les formes parallèles mais rarement convergentes de l’écriture philosophique portée par l’interrogation sur l’esthétique, de l’écriture d’histoire à vocation taxinomique, de l’écriture critique engagée ou non, de la réflexion à caractère psychologique.

 

De l’autre côté, toujours plus d’écriture de l’art écrivant sur lui-même, croissance de la parole artistique prenant la forme de manifestes, de correspondances d’artistes, de théories esthétiques particulières, etc.

 

 

Le tout prodigue, comme l’on sait, de décalages stupéfiants : Freud réglant sa pensée du surmoi sur la plastique michel-angelienne au moment où s’impose l’abstraction ; Alain, dans son Système des beaux-arts (1926), étayant un large pan de sa réflexion sur le rapport intime de l’artiste à la matière lors même que le readymade, objet a priori matériologiquement neutre, commence à investir le champ de la sculpture moderne.